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Chromatismes

« Je ne cesse de chercher à réveiller les sons qui sommeillent en moi,
une petite ou une grande aventure en couleurs.
» Paul Klee, Journal

Cette peinture, souvent abstraite, non figurative dans la mesure où elle exclut toute représentation de la perspective, on serait tenté de la dire « musicale », voire lyrique.
Dans la même tentative moderne de transcender les genres artistiques qui était celle d'un Paul Klee ou d'un Mondrian, elle convoque en ses différentes manières tous les modes du sentir : voir, entendre, toucher.
Comme dans la musique un ineffable d'émotions s'exprime, une atmosphère est rendue où dans l'espace de la toile un temps se déroule. Est-ce pour cela que les oeuvres les plus abstraites où le rythme des seules formes géométriques est associé au jeu mélodique et harmonique des couleurs, portent des titres diserts et énigmatiques : Tu parles pour ne rien dire, Hâblerie regrettée, Rancoeur passagère ?...
On retrouve l'organisation géométrique dans des séries aux motifs concrets, feuilles, fruits, arbres, visages qui interviennent comme des signes répétés sur des fonds qui jouent de la transparence, de la surimpression et du chevauchement. Ces assemblages, ces strates peuvent être comparés aux différentes voix d'une partition. Cette manière en forme de répétition et de modulations sur un support quadrillé, voire encadré, crée le mouvement, ne fragmente le réel que pour en dire la sinuosité.
Dans sa clôture, sa géométrie, et sa thématique volontiers végétale, le tableau peut évoquer également le lieu paradisiaque du jardin. Si, le plus souvent, l'artiste privilégie des souvenirs heureux, une vision de la nature qui enchante, il arrive qu'il laisse place au désastre, comme par un coup de colère et c'est, devant les carrés démultipliés d'immeubles éventrés, Bravo les gars !
La technique de prédilection de Philippe Lagard, la tempera sur papier, permet la transparence sans dilution excessive, en gardant l'éclat chromatique. Pour les grandes toiles, il choisit l'huile ou la peinture vinylique; tout se passe alors plus en surface qu'en profondeur comme si la matière remontait jusqu'à la toucher. Les herbes d'Avant l'orage sont d'ailleurs peintes aux doigts.
Philippe Lagard a toujours peint, comme si à travers ses multiples activités —théâtre, diplomatie, grande entreprise, musique — c'était la peinture qui donnait le la.
Vers Cassagnes, il est une île heureuse, à moins que cela soit Un peu avant Prayssac, à Bélaye.

Nicole Détourbe


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